Burundi : les jeunes agriculteurs s’organisent pour transformer l’avenir rural

05 November 2025
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Du 03 au 06 novembre 2025, à l’occasion de l’atelier régional des jeunes organisé par la PROPAC à Douala, avec l’appui technique et financier de AFDI, le Collège des Jeunes de la CNOP-BURUNDI (Concertation Nationale des Organisations Paysannes du Burundi) a présenté une contribution stratégique sur l’insertion agricole des jeunes. Ce collège, structuré autour de 12 coopératives dynamiques, incarne une jeunesse rurale organisée, engagée et tournée vers l’agroécologie.

Une jeunesse structurée et active

Depuis sa restructuration, la CNOP-BURUNDI regroupe 103 coopératives agricoles, dont 12 sont animées par des jeunes. Le Collège est représenté dans cinq provinces du pays : Bujumbura, Burunga, Buhumuza, Butanyerera et Gitega, avec un bureau national actif et des points focaux dans chaque territoire.

« Nous avons des leaders jeunes dans chaque province, capables de porter les préoccupations de leurs coopératives au niveau national. » — Me Ir Joseph NDIKURIYO, Président du Collège

Des obstacles structurels qui freinent l’élan des jeunes agriculteurs

Malgré leur engagement croissant et leur volonté d’innovation, les jeunes agriculteurs burundais se heurtent à plusieurs freins majeurs qui entravent leur insertion durable dans le secteur agricole :

Un accès limité au financement et au foncier

L’accès au crédit reste un parcours semé d’embûches pour les jeunes. Les institutions financières exigent des garanties que peu d’entre eux peuvent fournir, notamment en l’absence de titres fonciers ou de biens hypothécables. De plus, l’accès à la terre — ressource essentielle pour toute activité agricole — est souvent restreint par des normes coutumières ou familiales qui défavorisent les jeunes, en particulier les femmes. Cette double contrainte limite leur capacité à initier ou développer des projets agricoles viables.

Un manque de formation adaptée aux réalités du terrain

Les dispositifs de formation existants sont souvent trop théoriques ou déconnectés des besoins pratiques des jeunes ruraux. Peu de programmes intègrent les compétences clés en gestion, marketing, agroécologie ou montage de projets bancables. Cette lacune freine l’autonomie des jeunes et les rend dépendants d’un accompagnement extérieur, parfois absent ou mal ciblé.

12Une vulnérabilité accrue face au changement climatique

Les jeunes producteurs sont en première ligne face aux aléas climatiques : sécheresses prolongées, pluies imprévisibles, dégradation des sols. Or, les modèles agricoles dominants ne leur offrent ni résilience ni alternatives durables. Sans accès à des pratiques agroécologiques, à des outils d’adaptation ou à des systèmes d’alerte, leur production reste fragile et exposée.

Un chômage élevé, notamment chez les jeunes diplômés

Le chômage des jeunes au Burundi atteint des niveaux préoccupants, en particulier chez les diplômés qui peinent à s’insérer dans un marché du travail saturé. Beaucoup continuent de nourrir l’espoir d’un emploi public, sans envisager l’auto-emploi ou l’entrepreneuriat agricole comme voie d’avenir. Cette attente passive freine l’émergence d’initiatives locales et renforce la dépendance vis-à-vis de l’État.

« Beaucoup de jeunes attendent encore un emploi public, sans envisager l’auto-emploi ou l’entrepreneuriat agricole. Il faut changer de mentalité. »Me Ir Joseph NDIKURIYO, Président du Collège des Jeunes de la CNOP-BURUNDI

 

Des propositions concrètes et structurantes pour une insertion durable

Face aux défis identifiés, les jeunes du Collège de la CNOP-BURUNDI ont formulé une série de solutions pragmatiques, directement inspirées des réalités du terrain et des expériences vécues au sein des coopératives :

- Création d’un fonds d’investissement agricole dédié

L’accès au crédit reste l’un des principaux obstacles pour les jeunes agriculteurs, souvent exclus des circuits financiers classiques faute de garanties. Un fonds spécifique, géré en partenariat avec les organisations paysannes, permettrait de financer des projets portés par les jeunes, en tenant compte de leur profil et de leur potentiel. Ce mécanisme renforcerait les dispositifs existants comme le PAEJ et la BIJE, tout en favorisant l’auto-emploi rural.

- Mise en place d’une plateforme numérique unique

Les jeunes font face à une dispersion des informations sur les opportunités de financement, de formation et de partenariat. Une plateforme centralisée, accessible et adaptée aux réalités rurales, permettrait de regrouper les appels à projets, les outils de suivi, les ressources pédagogiques et les contacts utiles. Elle faciliterait également la coordination entre les acteurs publics, privés et communautaires.

- Déploiement d’incubateurs agricoles dans chaque province

Pour transformer les idées en projets viables, les jeunes ont besoin d’un accompagnement de proximité. Des incubateurs agricoles provinciaux offriraient un appui technique, entrepreneurial et agroécologique, tout en favorisant l’innovation locale. Ces structures joueraient un rôle clé dans la professionnalisation des jeunes et la valorisation des savoirs paysans.

- Renforcement des compétences en gestion, marketing et plan d’affaires

La viabilité des projets agricoles dépend de la capacité des jeunes à structurer, piloter et valoriser leurs initiatives. Des formations ciblées en gestion coopérative, marketing territorial, planification financière et montage de projets bancables sont essentielles pour améliorer l’accès aux financements et aux marchés. Ces compétences doivent être intégrées dans les programmes de formation professionnelle et technique.

- Valorisation des coopératives comme garanties solidaires

Les coopératives jouent un rôle central dans l’organisation des jeunes producteurs. En les reconnaissant comme entités de garantie solidaire, il devient possible de mutualiser les risques, d’accéder plus facilement aux crédits, et de renforcer la gouvernance locale. Cette approche collective favorise l’inclusion financière et la résilience économique.

- Amélioration des infrastructures rurales

Sans routes, stockage, accès à l’eau ou énergie, les efforts de production restent limités. L’amélioration des infrastructures rurales est indispensable pour réduire les pertes post-récolte, faciliter l’accès aux marchés, et améliorer les conditions de vie des jeunes en milieu rural. Les jeunes demandent à être associés à la planification et au suivi de ces investissements.

11Ces propositions s’appuient sur des dispositifs existants tels que le PAEJ (Programme d’Autofinancement Économique pour les Jeunes), la BIJE (Banque d’Investissement pour les Jeunes), ainsi que les appuis d’acteurs comme INADES Formation et ActionAid Burundi. Toutefois, les jeunes insistent sur la nécessité d’une meilleure coordination, d’une simplification des procédures, et d’une décentralisation des mécanismes pour que ces dispositifs soient réellement accessibles et efficaces.

Un appel à l’action

Le Collège des Jeunes de la CNOP-BURUNDI appelle les pouvoirs publics, les partenaires techniques et financiers, et les organisations paysannes à unir leurs efforts pour lutter contre le chômage, la pauvreté et le sous-emploi en milieu rural.

« Les jeunes ne doivent plus attendre l’État. Ils doivent créer, innover et transformer leur territoire. » — Me Ir Joseph NDIKURIYO

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Mike ATANGANA
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